Des conditions-cadres favorables, mais qu'il faut préserver

Au-delà des ressources permettant de faire émerger des projets d’innovation - qualité de la recherche, compétences, échanges, capitaux - et des mesures ciblées permettant de les favoriser, les conditions-cadres sont un autre élément déterminant pour la vitalité d’un écosystème d’innovation. Si le canton de Vaud et la Suisse sont bien positionnés, certains points pourraient être améliorés.

Les conditions-cadres sont l’une des forces historiques de l’économie suisse, avec une situation géographique stratégique au cœur de l’Europe, sur un fuseau horaire qui permet dans la même journée de s’entretenir avec les États-Unis et une partie de l’Asie, une stabilité politique et une sécurité du droit. La qualité de vie y est bonne, ce qui permet d’attirer ou de retenir des collaborateurs qualifiés avec des compétences pointues. Par ailleurs, sa fiscalité attractive et son droit du travail et des entreprises rendent le pays globalement favorable aux affaires. Pour l’innovation en tant que processus économique, ces conditions-cadres sont essentielles et il importe de les préserver. Mais où la Suisse se situe-t-elle exactement?


Sources: Global Innovation Index, équipe de projet

LE MOINS BON CLASSEMENT EN COMPARAISON INTERNATIONALE

Parmi les sous-indicateurs du Global Innovation Index, les conditions-cadres sont le thème où la Suisse est le moins bien classée, avec un 17e rang en 2019. Cependant, à y regarder de plus près, les scores des pays abritant un écosystème d’innovation performant ont un point commun: indépendamment de leur classement, ils sont tous élevés – plus de 75 points sur 100 – et proches les uns des autres. Dans le panel de comparaison retenu, sept des huit pays ont un score entre 80 et 90 points sur 100 - celui de la Suisse est de 80 points.

UNE PROTECTION DES CRÉANCIERS PERFECTIBLE

Au sein des conditions-cadres, le sous-indicateurs dans lequel la Suisse est le plus mal classé (62e place) concerne la facilité à créer une société. Mais, dans ce domaine, toutes les économies du panel de comparaison se tiennent dans un mouchoir de poche et avec des scores élevés (88 points sur 100 pour la Suisse). Les éléments qui pénalisent le pays sont liés au nombre de procédures (six selon le recensement de la Banque mondiale), au coût total (2,3% du revenu par habitant) et au temps global pour incorporer une entreprise (10 jours en moyenne). En première analyse, pour des projets entrepreneuriaux en général longs et parsemés d’embûches, cet obstacle initial semble toutefois assez marginal.
 
Dans la plupart des autres dimensions, la Suisse fait soit partie des leaders (qualité et sécurité du droit), soit affiche un score élevé malgré un classement modeste (e-gouvernement). Le score et le classement relativement bas en matière de dépenses d’éducation rapportées au PIB n’est pas atypique pour une économie développée et n’est pas non plus un point d’attention en tant que tel, même si cette dimension est évidemment clé pour une économie du savoir.
 
La situation est un peu différente en matière de facilité à résoudre les faillites et de protection des créanciers. Dans cette dimension, la Suisse affiche à la fois un classement (43e) et un score (63 points sur 100) assez éloignés du groupe de comparaison. Concrètement, le temps de résolution, le taux de recouvrement et la protection des actifs durant la procédure sont en décalage avec les autres pays.
 
Une disposition spécifique du droit suisse est la possibilité d’ajourner la procédure de faillite. Or, durant cette phase, la société a la possibilité d’engager ses actifs pour poursuivre son activité, voire honorer des créances nouvellement contractées. Cela est conforme à la volonté de permettre à la société de se restructurer mais, en pratique, cette possibilité, lorsqu’elle est autorisée par un juge, prolonge d’autant la durée de la procédure et a souvent une incidence directe sur les chances de recouvrer les créances. Par ailleurs, l’utilisation abusive de la procédure de faillite par un entrepreneur n’est pas bien cadrée et ceux qui ont fréquemment recours à cette pratique sont difficiles à identifier en raison d’un système très décentralisé. Ces éléments ne sont pas spécifiques à l’innovation, mais affectent potentiellement un actif clé d’un écosystème entrepreneurial: la confiance.
 
Une partie de ces éléments a été identifiée par les autorités et un projet de modification de la Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (et d’autres textes concernés) visant à mieux prévenir l’usage abusif de la procédure de faillite a été mis en consultation en 2015 et transmis au Parlement en juin 2019.


Source: Banque mondiale, Ease of doing business 2019

DES LEVIERS ÉGALEMENT SUR LE PLAN DE LA FISCALITÉ

De manière un peu surprenante, la thématique de la fiscalité n’est pas couverte par le classement du Global Innovation Index. Dans ce domaine également, la compétitivité de la place est plutôt bonne dans l’ensemble. Le principal point d’attention concerne le traitement des participations lors de la taxation de la fortune des fondateurs et des employés-actionnaires, qui peut poser problème dans certains cas, essentiellement pour les start-up en forte croissance.

Ce point, détaillé dans la section suivante de ce chapitre, peut avoir une importance d’un point de vue de la politique économique, car il touche des personnes qui ont le pouvoir de décider du lieu d’implantation de la société (et de ses emplois).

Au final, les conditions-cadres, malgré quelques zones d’amélioration, restent plutôt une force de la place d’innovation vaudoise. Et ce, même si le canton n’a que peu de marge de manœuvre pour les faire évoluer.

«En matière de fiscalité, le principal point d’attention concerne la taxation des participations des fondateurs et des employés-actionnaires»