Les spécificités du système de R&D dans le canton

La recherche publique a développé des particularités en terres vaudoises

Avec l’une des deux Écoles polytechniques fédérales et l’Université de Lausanne voisine, le canton de Vaud accueille le plus grand campus universitaire de Suisse. Aux 15 300 étudiants et collaborateurs de l’EPFL s’ajoutent en effet les 18 880 étudiants et collaborateurs de l’UNIL. Le budget combiné des deux institutions dépasse le milliard et demi de francs par an.

INTERVIEW: ÉDOUARD BUGNION

«Une densité exceptionnelle»

Le Professeur Édouard Bugnion, Vice-président Systèmes d'information et professeur titulaire à l'EPFL, s'exprime sur la recherche dans l'Arc lémanique.

Le budget des instituts de recherche et de formation supérieure du canton a doublé depuis 2010

 

A côté de ce pôle, le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) le nouveau centre de recherche translationnelle en oncologie Agora (300 chercheurs de l'UNIL, du CHUV et de l'EPFL) et celui, voisin, de l’Institut Ludwig (250 chercheurs de l'UNIL et du CHUV) s’ajoute le réseau des Hautes écoles spécialisées de Suisse occidentale dont 9 hautes écoles, totalisant plus de 8'000 étudiants, sont sises sur le territoire vaudois. Parmi ces HES, particulièrement orientées vers la pratique et la recherche appliquée et développement, on peut mentionner notamment l’ECAL/École cantonale d'art de Lausanne, la Haute école d'ingénierie et de gestion du canton de Vaud (HEIG-VD), à Yverdon-les-Bains, l’Ecole Hôtelière de Lausanne ou les hautes écoles de Santé La Source et HESAV.

Le fruit d’un demi-siècle d’effort

Cette situation est à la fois le résultat de l’histoire, mais aussi d’une forme de prescience des décideurs politiques au XXe siècle. La Suisse a largement réinvesti sa prospérité dans sa capacité de recherche, que ce soit en facilitant la création du Centre européen de la recherche nucléaire (CERN), à Genève, et du Fonds national suisse de la recherche scientifique dans les années 1950, en fédéralisant l’École polytechnique de l'Université de Lausanne (EPUL), qui devient l’EPFL en 1969, en mutualisant ses forces pour atteindre une taille critique dans les années 1990 en participant de plain-pied, voire avec un rôle de leader, aux programmes de recherche européen.

Vaud champion du mercato académique

Les institutions académiques du canton de Vaud se sont aussi montrées particulièrement créatives ces dernières années pour attirer les meilleurs chercheurs en mutualisant leurs institutions.

Par exemple, un professeur pionnier de l’immuno-oncologie comme le chercheur d’origine grecque George Coukos est à la fois directeur de l’Institut Ludwig, oncologiste au CHUV et professeur à la Faculté de médecine de l’UNIL. De même, une star de la recherche sur le cancer comme l’Américain Doug Hanahan est à la fois directeur de l’Institut suisse de recherche expérimentale sur le cancer (ISREC) et professeur à la Faculté des sciences de la vie de l’EPFL, où il est aussi titulaire de la chaire Merck-Serono en oncologie.

Le personnel d'enseignement et de recherche des hautes écoles vaudoises est très international

 

A côté de cette possibilité d’hybrider les institutions pour créer des positions attractives, le système des chaires sponsorisées par des entreprises privées, instauré à partir du milieu des années 2000 à l’EPFL, a aussi permis de recruter une cinquantaine de professeurs à l’EPFL (une trentaine sont actifs actuellement). Ils sont souvent à l’origine de nouveaux domaines de recherche à l’instar de Johan Auwerx dans la nutrition ou de Sylvie Roke dans la photomédecine.

Une autre innovation importante, introduite par l’EPFL dans ses procédures de recrutement de professeurs dans les années 2000, est le «tenure track». D’inspiration américaine, ce mécanisme offre une position de professeur assistant provisoire (pour quatre ans en général) avec des objectifs intermédiaires et finaux. S'il sont atteints, le poste est pérennisé. L’avantage est que ce système ne s’appuie pas sur l’ancienneté et favorise le rajeunissement du corps professoral.

Les chercheurs du canton de Vaud attirent plus que leur part de financement de recherche compétitif

 

Ce cocktail d’excellence et de connectivité, augmenté par la souplesse et la créativité dans l’organisation de la recherche publique dans le canton de Vaud, se lit, entre autres, dans sa capacité à attirer des financements de recherche comme ceux du Conseil européen de la recherche (CER).

La R&D privée dans le canton de Vaud, entre héritage, création et effet réseau

Dans le canton de Vaud, la R&D profite aussi des investissements de grandes entreprises. Nestlé opère dans le canton deux laboratoires majeurs parmi les dix centres de R&D du groupe en Suisse (40 dans le monde). La recherche de Nestlé est en majeure partie menée dans la région lausannoise, où se trouvent le Centre de recherche Nestlé (CRN - 600 collaborateurs) et le Nestlé Institute of Health Sciences (NIHS). A côté de cela, plusieurs fleurons du canton investissent des montants significatifs en R&D comme Sicpa, Medtronic ou Bobst. Logitech consacre, pour sa part, environ 160 millions de francs par an à ses dépenses en R&D, dont une part significative sur son site vaudois. À cela s’ajoutent enfin de grandes PME très orientées sur la R&D telles qu’Apco Technologies, Leclanché ou Debiopharm.

De leur côté, les sept parcs scientifiques et technologiques du canton (notamment l’Innovation Park de l’EPFL, Y-Parc à Yverdon, et Biopôle à Épalinges) rassemblent plus de 500 sociétés qui emploient plus de 5200 personnes (chiffres:2018). Enfin, il faut ajouter à cela des espaces de coworking orientés vers l’innovation apparus récemment comme Gotham à Lausanne ou UniverCité à Renens, qui accueille l’accélérateur de start-up MassChallenge, ou bien encore l’aéropôle de Payerne, inauguré en mars dernier.

Le canton de Vaud dispose ainsi d’un véritable réseau de labos et d’entreprises investissant et exécutant des tâches de R&D, ainsi que de lieux où cette R&D peut se matérialiser en entreprises innovantes.