Lorsque l’on s’intéresse aux conditions-cadres d’un écosystème d’innovation, et notamment pour les start-up, la fiscalité n’est certes qu’une pièce du puzzle. Mais il s’agit d’une pièce importante à la fois pour les start-up elles-mêmes et pour leurs employés, mais aussi pour les entrepreneurs et les investisseurs. En effet, le fisc grève une jeune pousse par l’impôt sur le bénéfice et celui sur le capital de la société, ainsi qu’au niveau de ses investisseurs et dirigeants actionnaires au titre de l’impôt sur le revenu et la fortune.
Pour la start-up, le système d’imposition suisse et vaudois offre dans l’ensemble un cadre fiscal attractif sur le plan international. En effet, le niveau général de l’impôt prélevé sur le bénéfice est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE.
Notons toutefois que l’impôt sur le bénéfice revêt, en principe au début de l’activité d’une start-up, une importance relative. En effet, ce type d’entreprises commence logiquement par enregistrer des pertes les premières années. Elle ne paie donc pas d’impôt sur le bénéfice et profite de reports de pertes. Si la start-up génère des investissements ou des dépenses de recherche et développement, ainsi que des emplois, elle peut aussi bénéficier d’exonération d’impôt de cinq à dix ans à certaines conditions.
«Pour la start-up, le système d’imposition suisse et vaudois offre dans l’ensemble un cadre fiscal attractif sur le plan international»
La réforme fédérale Fiscalité-AVS (RFFA) devrait permettre d’alléger la charge fiscale des start-up bénéficiaires. La RFFA, acceptée en votation populaire le 19 mai 2019, contient deux mesures qui contribuent à promouvoir l’innovation pour les start-up, mais également les PME et les multinationales. D’une part, la patent box, par laquelle une partie des bénéfices provenant d’inventions (brevet et licence) pourra bénéficier d’une imposition réduite. D’autre part, la déduction pour recherche et développement (R&D), qui représente une déduction supplémentaire de 50% au maximum pour ce type de dépenses. Enfin, ces réglementations spéciales seront assorties d’une limitation qui implique qu’une entreprise devra toujours s’acquitter de l’impôt sur au moins 30% du bénéfice imposable (pour Vaud 50%).
Dans ce contexte, le canton de Vaud a déterminé l’ampleur et la répartition de ces déductions. Ces mesures compensatoires sont proposées parmi les mesures annexes au budget 2020. On mesure l’importance de leur adoption pour favoriser l’innovation, la recherche et le développement dans notre canton.
En résumé, la fiscalité suisse et vaudoise sur le bénéfice ne constitue pas un frein pour les jeunes entreprises.
Pour l’imposition de l’entrepreneur, des investisseurs et des collaborateurs, la situation est plus nuancée.
Tous les actionnaires d’une start-up profitent potentiellement de l’absence d’impôt sur les gains en participation en Suisse. Les gains en capital réalisés sur des éléments de la fortune privée ne sont pas imposés. Ce qui implique en cas de revente de la start-up (exit) que la plus-value, soit la différence entre le prix d’achat et le prix de vente, n’est pas imposée.
Au niveau fédéral, pour les investisseurs, la Suisse ne connaît ni incitations fiscales directes au moment de l’investissement, donc indépendamment de la réussite de l’entreprise, ni incitations fiscales au moment de la cession.
Notre pays reste toutefois attrayant en comparaison internationale, même en l’absence de privilèges fiscaux accordés aux investisseurs providentiels, notamment en raison de l’exonération des gains en capital.
«Tous les actionnaires d’une start-up profitent potentiellement de l’absence d’impôt sur les gains en participation en Suisse»
La Suisse est l’un des rares pays au monde à connaître un impôt sur la fortune, celui-ci variant d’un canton à l’autre. Le taux vaudois compte parmi les plus élevés du pays, comme le souligne le tableau ci-dessous.
Dans le canton de Vaud, le taux d’imposition de la fortune est élevé en comparaison intercantonale. Cela en fait un facteur important et possiblement problématique pour l’entrepreneur et les investisseurs qui détiennent le capital d’une société, à savoir les actions, dont la valeur est réévaluée notamment en raison de l’arrivée d’un investisseur extérieur.
Dans ce contexte, l’évaluation des start-up pour l’impôt sur la fortune est un sujet sensible dans l’écosystème vaudois. A l’instar de toute société non cotée, la valeur des actions d’une start-up est en effet estimée sur la base d’instructions de la Conférence suisse des impôts (CSI). Selon ces dernières, lorsque des titres d’une société font l’objet d’une vente de titre ou lors d’une augmentation de capital, leur valeur fiscale peut correspondre à la valeur de la start-up dans la transaction.
Ces problématiques sont connues et tant le législatif que l’exécutif fédéral s’en préoccupent. En 2017, le groupe de travail “Start-up” composé de représentants de l'Administration fédérale des contributions et de plusieurs cantons, a recommandé à la CSI de modifier sa circulaire relative à l'estimation des titres non cotés. L’objectif: faire en sorte que, dans des cas particuliers où cela se justifie, il puisse être dérogé au principe selon lequel la fortune des entreprises non cotées en bourse est déterminée sur la base du prix payé pour l'action dans le cadre d'une opération de financement. En 2018, le Parlement a demandé via une motion au Conseil fédéral de “mettre au point une formule qui soit attrayante et concurrentielle sur le plan international pour le traitement fiscal des start-up et des participations détenues par leurs collaborateurs.”
Cette pratique est problématique à plusieurs titres. Les parts d’une start-up ne sont pas toujours facilement vendables, surtout au prix du tour de financement. En effet, cette valeur représente souvent un potentiel, un pari de l’investisseur. Ce prix reflète les gains futurs des start-up escomptés par les investisseurs, et ne tient pas compte du résultat comptable souvent initialement déficitaire de la société; il peut donc ne pas correspondre à la réalité économique au moment de la transaction. L’investisseur et l’entrepreneur pourraient alors se voir contraint d’utiliser une partie de leur revenu afin de payer l’impôt sur la fortune et occasionner de gros problèmes de liquidités.
Relevons aussi que pour limiter leurs dépenses et encourager l’implication des employés dans le développement de l’activité, les start-up octroient fréquemment des participations (actions ou options) en complément du salaire. La mise en place d’un plan de participation doit alors être soigneusement étudiée, au besoin avec un spécialiste, afin de confirmer le traitement fiscal (revenu et fortune) pour les collaborateurs, en particulier en cas de vente ultérieure de leurs titres.
D’une manière générale, la Suisse offre un cadre fiscal compétitif pour l’innovation. Ces dernières années, plusieurs adaptations améliorant les conditions générales des start-up ont été mises en œuvre. Reste que, comme le montre le débat politique, il existe dans la politique fiscale un potentiel d’amélioration.
Les start-up se distinguent des autres entreprises, d’une part, par des besoins financiers relativement élevés et, d’autre part, par un bénéfice faible, voire nul. C’est pourquoi l’imposition des fonds propres et de la fortune (impôt sur le capital et sur la fortune) est particulièrement importante pour les investisseurs et les entrepreneurs. Le processus d’évaluation de la valeur fiscale de la start-up est donc primordial pour ses différents actionnaires (entrepreneurs, collaborateurs ou investisseurs).
On peut noter enfin que dans un grand nombre de pays de l’OCDE, les investisseurs providentiels («business angels») peuvent bénéficier d’incitations fiscales. La Suisse n’en connaît pas en faveur des investisseurs providentiels, à l'exception du canton du Jura. Ce type d’incitations pourrait permettre de dynamiser l’investissement dans les start-up.
«D’une manière générale, la Suisse offre un cadre fiscal compétitif pour l’innovation»